Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/98

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

fassiez, il y a des conventions qui seront éternelles. » C’est vrai, mais cela n’empêche pas que, lorsque l’heure d’une convention a sonné, elle disparaît. On a bien enterré l’unité de lieu ; cela n’a rien d’étonnant que nous soyons en train de compléter le mouvement, en donnant au décor toute l’exactitude possible. C’est la même évolution qui continue. Les conventions qui persistent n’ont rien à voir avec les conventions qui partent. Une de moins, c’est toujours quelque chose.

Comment ne sent-on pas tout l’intérêt qu’un décor exact ajoute à l’action ? Un décor exact, un salon par exemple avec ses meubles, ses jardinières, ses bibelots, pose tout de suite une situation, dit le monde où l’on est, raconte les habitudes des personnages. Et comme les acteurs y sont à l’aise, comme ils y vivent bien de la vie qu’ils doivent vivre ! C’est une intimité, un coin naturel et charmant. Je sais que, pour goûter cela, il faut aimer voir les acteurs vivre la pièce, au lieu de les voir la jouer. Il y a là toute une nouvelle formule. Scribe, par exemple, n’a pas besoin des milieux réels, parce que ses personnages sont en carton. Je parle uniquement du décor exact pour les pièces où il y aurait des personnages en chair et en os, apportant avec eux l’air qu’ils respirent.

Un critique a dit avec beaucoup de sagacité : « Autrefois, des personnages vrais s’agitaient dans des décors faux ; aujourd’hui, ce sont des personnages faux qui s’agitent dans des décors vrais. » Cela est juste, si ce n’est que les types de la tragédie et de la comédie classiques sont vrais, sans être réels. Ils ont la vérité générale, les grands traits humains résumés en beaux vers ; mais ils n’ont pas la vérité individuelle, vivante