Page:Zola - Le Roman expérimental, 1902.djvu/47

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romancier, en dehors du style. Du moment où le sentiment est le point de départ de la méthode expérimentale, où la raison intervient ensuite pour aboutir à l'expérience, et pour être contrôlée par elle, le génie de l'expérimentateur domine tout; et c'est d'ailleurs ce qui fait que la méthode expérimentale, inerte en d'autres mains, est devenue un outil si puissant entre les mains de Claude Bernard. Je viens de dire le mot: la méthode n'est qu'un outil; c'est l'ouvrier, c'est l'idée qu'il apporte qui fait le chef-d'œuvre. J'ai déjà cité ces lignes: «C'est un sentiment particulier, un quid proprium qui constitue l'originalité, l'invention ou le génie de chacun.» Voilà donc la part faite au génie, dans le roman expérimental. Comme le dit encore Claude Bernard: «L'idée, c'est la graine; la méthode, c'est le sol qui lui fournit les conditions de se développer, de prospérer et de donner ses meilleurs fruits suivant la nature.» Tout se réduit ensuite à une question de méthode. Si vous restez dans l'idée a priori, et dans le sentiment, sans l'appuyer sur la raison et sans le vérifier par l'expérience, vous êtes un poète, vous risquez des hypothèses que rien ne prouve, vous vous débattez dans l'indéterminisme péniblement et sans utilité, d'une façon nuisible souvent. Ecoutez ces lignes de l'Introduction: «L'homme est naturellement métaphysicien et orgueilleux; il a pu croire que les créations idéales de son esprit qui correspondent à ses sentiments représentaient aussi la réalité. D'où il suit que la méthode expérimentale n'est point primitive et naturelle à l'homme, que ce n'est qu'après avoir erré longtemps dans les discussions théologiques et scolastiques