Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/102

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

XIV

Qui prouve que l’on peut dépenser trente mille francs par an et n’en gagner que dix-huit cents


Marius descendit machinalement sur le port. Il allait devant lui ne sachant où ses pieds le conduisaient. Il était comme hébété. Une seule idée battait dans sa tête vide, et cette idée répétait, avec des bourdonnements de cloche, qu’il lui fallait quinze mille francs sur-le-champ. Il promenait autour de lui ce regard vague des gens désespérés comme s’il eût cherché à terre pour voir s’il ne trouverait pas entre deux pavés la somme dont il avait besoin.

Sur le port, il lui vint des désirs de richesse. Les marchandises entassées le long des quais, les navires qui apportaient des fortunes, le bruit, le mouvement de cette foule qui gagnait de l’argent, l’irritaient. Jamais il n’avait tant senti sa misère. Il eut un moment d’envie, de révolte, d’amertume jalouse. Il se demanda pourquoi il était pauvre, pourquoi d’autres étaient riches.

Et toujours le son de cloche grondait dans sa tête. Quinze mille francs ! Quinze mille francs ! Cette pensée lui brisait le crâne. Il ne pouvait revenir les mains vides. Son frère attendait. Il n’avait que quelques heures pour le sauver de l’infamie. Et il ne trouvait rien, son intelligence endolorie ne lui fournissait pas une seule idée praticable. Il tournait dans son impuissance, il tendait son esprit vainement, il se débattait, étranglé de colère et d’angoisse.

Jamais il n’aurait osé demander quinze mille francs à