Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/106

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

et aperçut le commissaire qu’il connaissait de vue.

Il pâlit affreusement, il comprit qu’il était perdu, et tout son corps trembla. Il venait de se jeter dans le châtiment, tête baissée. Voyant que son épouvante l’accusait, il tâcha de paraître calme, de retrouver un peu de sang-froid et d’audace.

« Oui, je vous ai fait demander, s’écria M. Daste avec violence. Vous savez pourquoi, n’est-ce pas ?... Ah ! misérable, vous ne me volerez plus !

– Je ne sais ce que vous voulez dire, balbutia Blétry. Je ne vous ai rien volé... De quoi m’accusez-vous ? »

Le commissaire s’était assis au bureau du manufacturier pour rédiger son procès-verbal. Les deux agents gardaient la porte.

« Monsieur, demanda le commissaire à M. Daste, veuillez me dire dans quelles circonstances vous vous êtes aperçu des détournements que le sieur Blétry aurait, selon vous, commis à votre préjudice. »

M. Daste raconta alors l’histoire du vol. Il dit que son garçon de recettes mettait parfois des lenteurs extraordinaires à opérer certaines rentrées. Mais, comme il avait une confiance sans bornes dans ce jeune homme, il avait attribué ses retards à la mauvaise volonté des débiteurs. Les premiers détournements devaient remonter au moins à dix-huit mois. Enfin, la veille un de ses clients étant tombé en faillite, il était allé réclamer lui-même le paiement d’une somme de cinq mille francs et là il avait appris que Blétry avait touché cette somme depuis plusieurs semaines. Effrayé, il était rentré en toute hâte à l’usine et s’était convaincu en parcourant les livres du caissier, qu’il lui manquait près de soixante mille francs.

Le commissaire procéda ensuite à l’interrogatoire de Blétry. Ce garçon, pris au dépourvu, ne pouvant nier, inventa une histoire ridicule.

« Un jour, dit-il, j’ai perdu un portefeuille, contenant quarante mille francs. Je n’ai pas osé avouer cette