Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/118

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Le jeune homme, impatienté, poussa le battant et entra dans le vestibule.

« C’est bien, dit-il, j’attendrai. »

La servante, surprise, hésitante, comprit qu’elle ne pourrait renvoyer ce garçon. Elle se décida à le faire monter au premier, où elle le laissa seul dans une sorte d’antichambre. La pièce était petite, obscure, tapissée d’un papier verdâtre que l’humidité avait déteint par larges plaques. Il y avait pour tout meuble une chaise de paille. Marius s’assit sur la chaise.

En face de lui, une porte ouverte lui laissait voir l’intérieur d’un bureau, dans lequel un commis écrivait avec une plume d’oie qui craquait terriblement sur le papier. À sa gauche était une autre porte qui devait conduire dans le cabinet du banquier.

Marius attendit longtemps. Des odeurs âcres de vieux papiers traînaient autour de lui. L’appartement était d’une saleté écœurante, et la nudité des murs lui donnait un aspect lugubre. De la poussière s’amassait dans les coins, des araignées filaient leurs toiles au plafond. Le jeune homme étouffait, impatienté par les craquements de la plume d’oie, qui devenait de plus en plus bruyante.

Il entendit soudain parler dans la pièce voisine, et, comme les paroles lui arrivaient nettes et distinctes, il allait éloigner sa chaise par discrétion, lorsque certaines phrases le clouèrent à sa place. Il y a des conversations que l’on peut écouter, la délicatesse n’est pas faite pour sauvegarder l’intimité de certains hommes.

Une voix sèche, qui devait être celle du maître de la maison disait avec une brusquerie amicale : « Messieurs, nous sommes tous présents, parlons de choses sérieuses... La séance est ouverte... Je vais rendre un compte fidèle de mes opérations de ce mois, et nous procéderons ensuite à la répartition du gain. »

Il y eut un léger tumulte, un bruit de conversations particulières qui alla en s’éteignant. Marius, qui ne pouvait encore comprendre, se sentait cependant pris d’une