Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/119

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vive curiosité : il devinait qu’une scène étrange se passait derrière la porte.

À la vérité, l’usurier Rostand recevait ses dignes associés de la bande noire. Le jeune homme se présentait justement à l’heure de la séance, au moment où le gérant montrait ses livres, expliquait ses opérations, partageait les bénéfices.

La voix sèche reprit :

« Avant d’entrer dans les détails, je dois vous avouer que les résultats de ce mois sont moins bons que ceux du mois dernier. Nous avions eu, en moyenne, le soixante pour cent, et nous n’avons aujourd’hui que le cinquante-cinq. »

Des exclamations diverses s’élevèrent. On eût dit une foule mécontente qui proteste par des murmures. Il pouvait bien y avoir là une quinzaine de personnes.

« Messieurs, continua Rostand avec une amertume railleuse, j’ai fait ce que j’ai pu, vous devriez me remercier... Le métier devient plus difficile chaque jour... D’ailleurs, voici mes comptes je vais rapidement vous faire connaître quelques-unes des affaires que j’ai traitées... »

Un silence profond régna pendant quelques secondes. Puis on entendit un froissement de papiers, les petits claquements des feuillets d’un registre. Marius, commençant à comprendre, écoutait avec plus d’attention que jamais.

Alors Rostand énuméra ses opérations, donnant quelques explications sur chacune d’elles. Il avait le ton criard et nasillard d’un huissier de cour.

« J’ai prêté, dit-il, dix mille francs au jeune comte de Salvy, un garçon de vingt ans qui sera majeur dans neuf mois. Il avait perdu au jeu, et sa maîtresse, paraît-il, exigeait de lui une grosse somme. Il m’a signé pour dix-huit mille francs de billets échéant à quatre-vingt-dix jours. Ces billets sont datés, comme il convient, du jour où le débiteur aura atteint sa majorité. Les Salvy ont de grandes propriétés... C’est une excellente affaire. »