Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/143

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Deuxième partie


I

Le sieur Sauvaire, maître Portefaix


Le patron de Cadet Cougourdan, le maître portefaix Sauvaire, était un petit homme vif, noirâtre, aux membres trapus et vigoureux. Son grand nez crochu, ses lèvres minces, son visage allongé exprimaient cette confiance vaniteuse, cette vantardise rusée qui sont les traits distinctifs de certains types du Midi.

Élevé sur le port, simple ouvrier dans sa jeunesse, il avait mis de côté, pendant dix ans, les gros sous qu’il gagnait. Il soulevait des poids énormes, il avait une force nerveuse qui faisait merveille. Il disait d’habitude qu’il ne craignait pas les gros hommes. La vérité était que ce nain aurait rossé un géant. Mais il se montrait prudent et sage dans l’emploi de sa vigueur, évitant les querelles, sachant que la tension de ses muscles valait de l’argent et qu’un coup de poing ne rapporte que des ennuis. Il vivait sobrement, tout au travail et à l’avarice, ayant hâte d’atteindre le but qu’il rêvait.

Un jour enfin, il eut devant lui les quelques milliers de francs qu’il lui fallait pour accomplir son projet. Il devint patron du soir au lendemain, il prit des hommes