Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/147

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quinze mille francs, et, chaque jour, elle bâtissait un plan nouveau, elle rêvait de mettre à contribution les personnes que le hasard rapprochait d’elle.

« Penses-tu, dit-elle un matin à son frère, penses-tu que M. Sauvaire serait un homme à prêter de l’argent ?

– C’est selon, répondit Cadet. Il donnerait volontiers mille francs à un pauvre diable, sur une place publique, devant beaucoup de monde, pour faire parade de son bon cœur. »

La bouquetière se mit à rire.

« Oh ! ce n’est pas une aumône qu’on lui demanderait, reprit-elle. Il faudrait que la main gauche du prêteur ignorât ce que ferait sa main droite.

– Diable ! dit Cadet, c’est trop de désintéressement... D’ailleurs, on pourrait voir. »

Fine, sur ce bout de conversation, conçut tout un projet. Elle croyait Sauvaire très riche, et, au fond, elle ne le jugeait pas méchant homme. Peut-être pourrait-on obtenir quelque chose de lui, en se servant de l’influence d’Armande.

La bouquetière comprit qu’elle devait d’abord décider Marius à aller chez la lorette. C’était là le difficile. Le jeune homme refuserait net, dirait qu’il ne pouvait y avoir rien de commun entre lui et cette femme.

Un jour, elle laissa échapper comme par mégarde le nom d’Armande, et elle fut très étonnée de voir Marius sourire et sembler être en pays de connaissance.

« Est-ce que vous connaissez cette dame ? lui demanda-t-elle.

– Je suis allé une fois chez elle, répondit-il. C’est Philippe qui m’y conduisit. Cette dame, comme vous l’appelez, ouvrait ses salons une fois par semaine, et mon frère était un des habitués du lieu... Ma foi, j’ai été fort bien reçu, et j’ai trouvé là une véritable maîtresse de maison, très distinguée et fort élégante. »

Fine parut toute triste d’entendre l’éloge d’Armande dans la bouche de Marius.

« Il paraît, continua ce dernier, que les choses ont