Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/164

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IV

Qui prouve que le métier de lorette a ses petits ennuis


Sauvaire et Marius étaient restés près d’une demi-heure seuls dans le salon. Le jeune homme aurait bien voulu se retirer ; mais il n’avait pas cru devoir s’en aller avant de saluer la maîtresse de la maison. Il feignait d’écouter les histoires du maître portefaix.

Bientôt des éclats de voix étaient arrivés jusqu’à eux. Peu à peu, le bruit s’accrut à tel point que tous deux prêtèrent l’oreille, ne pouvant jouer la discrétion davantage. C’est alors que le cri : « À moi ! à moi ! » les fit se dresser et ouvrir la porte qui donnait dans le boudoir.

Un spectacle étrange les attendait. Devant leur apparition, Armande recula, chancelante, et se laissa tomber dans un fauteuil. La tête entre les mains, elle éclata en sanglots, écrasée, sans vouloir relever le front ni prononcer une parole. L’usurière, courroucée, le visage enflammé, s’approcha des deux hommes et se mit à leur parler avec une volubilité rageuse. De temps à autre, elle s’interrompait pour se retourner et montrer le poing à Armande qui semblait ne pas l’entendre, toute convulsionnée par le désespoir qui secouait son corps.

« Vous avez vu, n’est-ce pas ? répétait la vieille femme. Elle a voulu me battre. Elle avait le bras en l’air... Ah ! la misérable !... Imaginez-vous, mes bons messieurs, que j’ai donné tout mon argent à cette