Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/168

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pas fâché. Je vais simplement me mettre hors de cette méchante histoire.

Marius se décourageait ; il se rappela ce que Fine lui avait dit sur la vanité du maître portefaix, et il reprit d’un ton dégagé :

« N’en parlons plus. Je vous ai dit ces choses parce que je vous savais très riche et très généreux... Tôt ou tard on aurait connu votre belle action, et vous auriez gagné à cette affaire pour plus de mille francs d’éloges.

– Vous croyez ? dit Sauvaire en hésitant.

– J’en suis certain. Peu d’hommes se dévoueraient à ce point, et c’est pour cela qu’il y aurait une véritable gloire à sauver cette femme... Mais n’en parlons plus. »

Sauvaire cessa de marcher. Il s’arrêta au milieu de la pièce, et se mit à réfléchir.

Mme Mercier qui le voyait hésiter et qui éprouvait des frémissements de désir à la pensée de toucher mille francs, pensa qu’elle devait intervenir. Elle avait repris sa voix larmoyante, son allure humble et doucereuse.

« Ah ! monsieur, dit-elle à Sauvaire, si vous saviez combien cette pauvre petite femme vous adore !... Il y a des hommes très riches qui ont essayé de vous supplanter. Elle a refusé toutes les propositions, et c’est peut-être cela qui l’a empêchée de réparer les fautes commises, en la mettant dans la gêne... Vous ne pouvez pas vous imaginer combien elle tient à vous.

De pareilles paroles flattèrent beaucoup le maître portefaix. Du moment où son amour-propre était en jeu, la question changeait. Il prit une pose triomphante :

« Eh bien ! soit, dit-il, je donnerai les mille francs. Je vous les porterai demain soir... Retirez-vous, laissez madame tranquille. »

L’usurière salua avec une humilité rampante, et s’en alla doucement, fermant les portes sans bruit.