Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/170

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vérité, et donnerait des détails accablants. D’ailleurs, en détruisant les traites, elle ne perdait rien, étant depuis longtemps rentrée dans ses fonds.

Sauvaire se réjouit singulièrement de l’aventure. Il remporta triomphalement ses mille francs. Il avait pu faire preuve de générosité, sans donner un sou. C’était tout bénéfice.

« Vous êtes témoin que j’allais donner l’argent, dit-il à Marius. Voilà comme je suis, moi. J’aime à être généreux, je jette l’or par les fenêtres... Oh ! un don de mille francs ne me gêne pas, lorsqu’il s’agit de payer mes plaisirs. »

Marius le laissa s’extasier sur ses mérites et courut chez Armande pour lui annoncer la bonne nouvelle.

Il trouva la jeune femme triste et troublée. Elle avait passé une nuit atroce, se débattant dans sa fange, cherchant un moyen suprême pour sortir de l’infamie.

Lorsqu’elle apprit que les billets faux étaient détruits, qu’elle avait recouvré sa liberté, elle fut comme transfigurée. Elle embrassa passionnément Marius, elle lui jura que la leçon lui profiterait et qu’elle allait changer de vie.

« Je travaillerai, dit-elle, je me conduirai en honnête femme... Alors, seulement, je veux que vous me rendiez votre amitié... Au revoir ! »

Marius la quitta, touché de sa décision et de ses promesses. Lorsqu’il se trouva seul, il se fit un crime de son abnégation : depuis deux jours, il vivait en dehors de lui, sans s’occuper du salut de son frère. Lorsque Fine lui demanda le résultat de sa démarche, il n’osa lui conter les scènes poignantes auxquelles il avait assisté ; il se contenta de lui dire qu’il ne fallait pas songer à emprunter de l’argent à Sauvaire et qu’Armande fermait son salon.

« À quelle porte allez-vous frapper, alors ? lui demanda la bouquetière.

– Je ne sais, répondit-il. J’ai cependant un projet que je vais mettre à exécution. »