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II

Où l’on fait connaissance du héros, Marius Cayol


Marius Cayol, le frère de l’amant de Blanche, avait environ vingt-cinq ans. Il était petit, maigre, d’allure chétive. Son visage jaune clair, percé d’yeux noirs, longs et minces, s’éclairait par moments d’un bon sourire de dévouement et de résignation. Il marchait un peu courbé, avec des hésitations et des timidités d’enfant. Et, lorsque la haine du mal, l’amour du juste le redressaient, il devenait presque beau.

Il avait pris la tâche pénible, dans la famille, laissant son frère obéir à ses instincts ambitieux et passionnés. Il se faisait tout petit à côté de lui, il disait d’ordinaire qu’il était laid et qu’il devait rester dans sa laideur ; il ajoutait qu’il fallait excuser Philippe d’aimer à étaler sa haute taille et la beauté forte de son visage. D’ailleurs, à l’occasion, il se montrait sévère pour ce grand enfant fougueux, qui était son aîné, et qu’il traitait avec des remontrances et des tendresses de père.

Leur mère, restée veuve, n’avait pas de fortune. Elle vivait difficilement des débris de sa dot que son mari avait compromise dans le commerce. Cet argent, placé chez un banquier, lui donnait de petites rentes qui lui suffirent pour élever ses deux fils. Mais lorsque les enfants furent devenus grands, elle leur montra ses mains vides, elle les mit en face des difficultés de la vie. Et les deux frères, jetés ainsi dans les luttes de l’existence,