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Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/187

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Douglas l’interrompit :

« Voici cinq cents francs », dit-il.

Et il ajouta d’une voix qui tremblait un peu :

« Mon père, priez pour moi. »

Alors, tous les prêtres se levèrent et entourèrent le notaire en le remerciant, en appelant sur lui les bénédictions du Ciel. Douglas, debout, recevait leurs vœux, très pâle, et Marius crut s’apercevoir que ses lèvres et ses paupières avaient de légers battements nerveux. Donadéi, d’une élégance souple, ne tarissait pas en éloges, en protestations caressantes.

« Dieu vous rendra ce que vous nous donnez, disait-il. Il vous le rend déjà en faisant prospérer votre maison et en vous accordant la paix des âmes justes... Ah ! monsieur, vous êtes un bel exemple, dans cette ville que le matérialisme du siècle corrompt. Il serait à souhaiter que nos commerçants imitassent votre vie simple, qu’ils eussent votre piété et votre bonté de cœur. On ne verrait pas alors le spectacle horrible qu’offre notre société marseillaise... »

Douglas semblait mal à l’aise, les éloges du prêtre l’impatientaient. Il l’interrompit de nouveau ; il lui dit, en le poussant vers la porte :

« Non, non, je ne suis pas un saint... Tout le monde a besoin de la miséricorde de Dieu. Si vous croyez me devoir quelques remerciements, veuillez prier pour moi. »

Les prêtres saluèrent, firent une dernière révérence, et se retirèrent enfin.

Marius, dans un coin du cabinet, avait assisté à cette scène, silencieux. Il s’indignait en face de la comédie qui se jouait devant ses yeux. Peut-être Douglas croyait-il acheter le pardon du ciel et le payer largement avec l’argent qu’il avait volé. Ainsi, ce saint homme, ce bon cœur qui secourait les malheureux, ce chrétien qui vivait dans les églises, n’était qu’un hypocrite et un coquin. Et Marius, en se disant cela, regardait les prêtres et le notaire, croyait rêver tout éveillé : il était venu pour accabler un faussaire, et il se trouvait devant un