Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/194

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j’ai eu de pressants besoins d’argent, pour faire face à quelque exigence imprévue, j’ai créé, sous les noms des premiers négociants de Marseille, des billets à ordre que j’ai émis à perte, après les avoir endossés moi-même... Vous voyez bien que je ne vous cache rien et que je m’accuse moi-même. Je me mets à nu devant vous, parce que je tiens à me justifier, et que je dois désormais renoncer à appliquer mon système. »

Marius était littéralement épouvanté. Il descendait en frissonnant dans l’intelligence de cet homme. Il sentait qu’il était devant un phénomène moral, et il subissait cette confession étrange comme on subit un cauchemar. Il lui semblait qu’il se trouvait dans le bruit et la fumée d’une machine, au milieu d’engrenages qui se mordaient.

« Ainsi, reprit Douglas, vous avez bien compris quel a été mon système. En principe, j’ai voulu être banquier, faire valoir les fonds qui me passaient entre les mains. J’ai acquis pour mon propre compte des immeubles, que j’ai cru pouvoir revendre avec bénéfice. Ma théorie des noms supposés répondait à toutes les exigences : à l’aide de ces noms, je n’ai renvoyé aucun de ceux qui se sont adressés à moi ; j’ai été, suivant l’occasion, prêteur, emprunteur, acheteur et vendeur. Lorsque les fonds que me fournissait mon crédit personnel ou celui que j’étais parvenu à donner aux noms imaginaires ne m’ont pas suffi, je m’en suis procuré d’autres en grevant d’emprunts simulés la première personne venue, parent, ami ou client, sauf à libérer plus tard les biens de cette personne, comme je les avais hypothéqués, toujours à son insu. En un mot, mon étude est devenue une maison de banque.

– Une maison de vol, cria Marius, une manufacture de faux ! » Douglas haussa les épaules.

« Vous devriez déjà me comprendre, dit-il, et voir que je n’ai jamais cherché à voler un seul de mes clients. J’espère que vous me rendrez justice tout à