Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/219

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la tête ainsi baissée et qu’il se serait fait un devoir de rendre à la foule mépris pour mépris. Cependant, Marius avait toujours de vagues craintes : cette tête baissée l’inquiétait, il aurait voulu distinguer nettement les traits du condamné.

Autour du jeune homme, la foule continuait à jeter des exclamations, des mots de colère ou d’ironie.

« Eh ! lève donc la tête, coquin ! criait-on, montre-nous ta face.

– Oh ! il ne la lèvera pas, il a peur.

– Enfin, le voilà réduit à l’impuissance. Il a les mains attachées, il ne pourra plus voler.

– Vous croyez cela, vous !... Il a failli voler sa grâce.

– Oui, oui, des gens riches, des gens pieux, ont cherché à lui éviter l’humiliation du poteau.

– Un pauvre diable n’aurait pas rencontré de pareilles sympathies.

– Mais le roi a tenu bon, il a dit que le châtiment devait être le même pour les scélérats de toutes les classes.

– Oh ! le roi est un brave homme.

– Hé ! Douglas, coquin, cafard, voleur, hypocrite, tu ne feras plus tes farces, mon ami, tu n’iras plus dans les églises prier le bon Dieu de protéger tes faux ! »

Marius respira. Les cris qu’il entendait lui apprenaient enfin quel était le patient. Alors, il reconnut Douglas, il vit distinctement la face pâle et grasse de l’ancien notaire. Mais, tout au fond de lui, il songeait à son frère, il se disait que, lui aussi, aurait peut-être à subir les ricanements et les huées de la foule.

La multitude grondait toujours.

« Il a ruiné plus de cinquante familles, le bagne est une peine trop douce.

– Marseille devrait se faire justice.

– Oui, c’est cela, nous l’enlèverons et nous le tuerons, lorsqu’il va passer.

– Voyez donc comme il semble à son aise, là-haut.