Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/232

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

trouvait là des femmes faciles et qu’il pouvait y contenter ses appétits de parvenu.

Sauvaire et Marius, après avoir monté un escalier étroit, arrivèrent, au premier étage, dans une vaste salle où étaient rangées une vingtaine de petites tables de marbre. Contre les murs, se trouvaient des divans en velours rouge, et, au milieu, traînaient des chaises de paille : on eût dit une salle de café. Au fond, était une grande table, recouverte de drap vert, sur laquelle des galons de soutache rouge dessinaient deux carrés, entre lesquels il y avait une corbeille pour recevoir les cartes dont on s’était servi. C’était la table de jeu. Des sièges entouraient cette table.

Marius, en entrant, jeta un regard effaré dans la salle. Il suffoquait, comme un homme qui vient de tomber à l’eau. On aurait dit qu’il entrait dans une caverne où des bêtes féroces allaient le dévorer. Son cœur battait à grands coups, ses tempes se couvraient de sueur. Une sorte de timidité, mêlée de répugnance, le tenait immobile, gauche, l’air embarrassé.

Il n’y avait presque personne dans la salle. Quelques hommes buvaient. Deux femmes causaient vivement et à voix basse dans un coin. La table de jeu restait noire et vide au fond, car on n’avait pas encore allumé les becs de gaz qui descendaient au milieu du tapis vert. Peu à peu, Marius reprit son assurance ; mais la fièvre battait toujours dans ses veines.

« Que voulez-vous prendre ? lui demanda Sauvaire.

– Ce que vous voudrez », répondit machinalement le jeune homme, qui regardait la table de jeu avec une curiosité effrayée.

Le maître portefaix fit servir de la bière. Il s’étendit de tout son long sur un divan et alluma un cigare.

« Ah ! voilà Clairon et son amie Isnarde, s’écria-t-il tout à coup en apercevant les deux filles qui causaient dans un coin. Voyez donc quels amours de femmes ! Hein ! qu’en dites-vous ? Il vous faudrait des petites comme cela pour vous consoler de vos chagrins. »