Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/231

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

XIV

Où Marius gagne dix mille francs


Le cercle Corneille était un de ces tripots autorisés, dont il a été question dans le précédent chapitre. En principe, il devait être uniquement composé de membres admis à la majorité des voix et payant une cotisation de vingt-cinq francs. Mais, en réalité, tout le monde pouvait y entrer et y jouer. Pour sauvegarder les apparences, dans les commencements, on se contentait d’afficher sur une glace les noms des nouveaux venus ; ou bien on exigeait des étrangers une carte d’introduction fournie par un des membres. Bientôt on n’avait plus demandé de carte, on ne s’était plus donné la peine d’afficher les noms. Entrait qui voulait.

Certes, le maître portefaix était un honnête homme, incapable de commettre une action basse. Mais l’habitude des plaisirs lui avait fait contracter d’étranges amitiés. Il disait naïvement qu’il aimait mieux vivre avec les fripons qu’avec les honnêtes gens, car ces derniers l’ennuyaient, tandis que les fripons le faisaient rire. Il cherchait d’instinct les mauvaises sociétés, où il pouvait se débrailler à son aise et s’amuser comme il l’entendait, c’est-à-dire en faisant un tapage de tous les diables. D’ailleurs, sous son air bonhomme, il cachait une ruse et une prudence rares : jamais il ne se compromettait, jouant peu, s’éloignant dès qu’il courait un danger quelconque. Il n’ignorait pas l’indignité de la plupart des habitués du cercle Corneille, il y allait parce qu’il