Aller au contenu

Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/244

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

– Ne jouez plus, dit Sauvaire.

– Si, je veux jouer, je jouerai jusqu’à la fin. »

Le maître portefaix se leva en sifflant entre ses dents. Il ne pouvait comprendre l’entêtement nerveux de son compagnon, lui qui ne hasardait jamais plus de cent francs sur un tapis vert.

« Tenez ! reprit-il, le banquier a brûlé la main et se retire... Prenez sa place... Cela fera peut-être tourner la veine. »

Marius prit la place du banquier. Il paya deux francs le jeu de cartes qu’on lui remit et glissa un franc dans la cagnotte, selon l’usage du cercle. Il battit les cartes et les présenta ensuite aux joueurs, en leur disant :

« Messieurs, les cartes passent. »

Certains joueurs battirent de nouveau les cartes et les rendirent à Marius, qui les battit une troisième fois, ainsi qu’il en avait le droit. La partie recommença. Maintenant, le jeune homme pouvait être dépouillé en quelques coups.

Il perdit à deux reprises. Sauvaire se tenait toujours derrière lui. Il finissait par s’intéresser à ce garçon intrépide. Celui-ci allait de nouveau distribuer les cartes aux joueurs, aux pontes, comme on les appelle, lorsque le maître portefaix lui arrêta le bras, et, se penchant à son oreille, lui dit à voix basse :

« Prenez garde, on vous vole... Vous distribuez les cartes en jeune naïf.

– Comment cela ?

– Oui, vous les relevez en les donnant, de sorte que les pontes qui sont devant vous les voient passer et savent quel est votre jeu... Tous les nouveaux banquiers se laissent prendre à cette filouterie... Tenez le jeu renversé dans votre main et baissez les cartes en les donnant. »

Marius suivit ce sage conseil et s’en trouva bien. Il gagna. En quelques coups, il rattrapa une somme assez forte. Puis, la chance tourna encore, il perdit. Alors, s’établit une sorte d’équilibre entre ses gains et ses