Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/275

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« Mais, s’écria Marius au milieu de sa félicité, je ne sais quand je pourrai vous rembourser une aussi forte somme.

– Que cela ne vous inquiète pas, répondit l’armateur. Vous m’avez rendu de grands services, vous venez de me sauver du déshonneur peut-être. Laissez-moi vous obliger, sans qu’il soit question de remboursement entre nous. »

Et, comme une ombre passait sur le front de Marius, il lui prit la main et ajouta :

« Je n’entends pas payer votre dévouement, mon ami. Je sais que ce n’est point avec de l’argent qu’on s’acquitte de certaines dettes... Je vous en prie, voyez la question d’une autre façon : il y a bientôt dix ans que vous êtes chez moi et j’espère que vous y resterez longtemps encore ; eh bien ! les quinze mille francs que je vais vous donner sont une prime, une légère part dans les bénéfices que j’ai réalisés avec votre concours... Vous ne pouvez refuser. »

M. Martelly se pencha pour signer le bon. Marius l’arrêta encore.

« Vous savez à quel emploi je destine cet argent ? » demanda-t-il avec une certaine anxiété.

L’armateur posa la plume, contrarié et légèrement pâle.

« Bon Dieu ! s’écria-t-il, comme les honnêtes gens sont difficiles à obliger ! Il faut avec eux tout savoir... Eh ! par grâce, mon ami, ne me forcez pas à être votre complice. Je sais que vous êtes un brave garçon, une âme dévouée et aimante. Voilà tout. Je n’ai pas besoin de connaître tous vos actes et toutes vos pensées. Vous ne ferez jamais une action mauvaise, n’est-ce pas ? Cela me suffit. »

Par un scrupule d’esprit juste, M. Martelly voulait sembler ignorer que l’argent remis par lui à Marius allait servir à acheter une conscience. Il prêtait d’ailleurs très volontiers la main à l’évasion de Philippe, sachant quelles armes M. de Cazalis avait employées pour faire emprisonner