Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/29

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d’aimer. Et la pauvre petite, qui jusque-là avait fort mal traité les amants, s’était laissé prendre à ce jeu. La nuit, elle rêvait de Philippe, elle se demandait avec angoisse où pouvaient bien aller toutes ces fleurs qu’elle lui vendait.

Marius, lorsqu’il se fut avancé, la trouva rouge et troublée. Elle disparaissait à moitié derrière ses bouquets. Elle était adorable de fraîcheur sous les larges barbes de son petit bonnet de dentelle.

« Monsieur Marius, dit-elle d’une voix hésitante, est-ce vrai ce que l’on répète autour de moi depuis ce matin ?… Votre frère s’est enfui avec une demoiselle ?

– Qui dit cela ? demanda Marius vivement.

– Mais tout le monde… C’est un bruit qui court. »

Et comme le jeune homme paraissait aussi troublé qu’elle et qu’il restait là sans parler :

« On m’avait bien dit que M. Philippe était un coureur, continua Fine avec une légère amertume. Il avait la parole trop douce pour ne pas mentir. »

Elle était près de pleurer, elle étouffait ses larmes. Puis, avec une résignation douloureuse, d’un ton plus doux :

« Je vois bien que vous avez de la peine, ajouta-t-elle. Si vous avez besoin de moi, venez me chercher. »

Marius la regarda en face et crut comprendre les angoisses de son cœur.

« Vous êtes une brave fille ! s’écria-t-il. Je vous remercie, j’accepterai peut-être vos services. »

Il lui serra la main avec force, comme à un camarade, et courut rejoindre l’abbé Chastanier, qui l’attendait sur le bord du trottoir.

« Nous n’avons pas de temps à perdre, lui dit-il. Le bruit de l’aventure se répand dans Marseille… Prenons un fiacre. »

La nuit était venue, lorsqu’ils arrivèrent à Saint-Barnabé. Ils ne trouvèrent que la femme du jardinier Ayasse, tricotant dans une salle basse. Cette femme leur apprit tranquillement que le monsieur et la demoiselle