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Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/293

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en fuite et qu’il échappait ainsi à l’infamie, ses inquiétudes se changèrent en véritables terreurs. Il était ruiné.

La lutte allait être suprême. S’il se trouvait obligé de rendre ses comptes de tutelle, il tombait littéralement sur la paille. Encore serait-il très heureux de s’en tirer à aussi bon marché, au prix de la misère, car il n’était pas bien sûr de n’avoir pas entamé la fortune de Blanche d’une façon trop large et trop visible. D’un côté, en gardant sa nièce, en gardant l’argent, il continuait à mener grand train, il trouvait le moyen de dépouiller la jeune fille d’une manière légale ; d’un autre côté, si on lui demandait brusquement des comptes, si l’on exigeait, au nom de l’enfant, le dépôt remis entre ses mains, il était obligé de solliciter une aumône pour ne pas mourir de faim. On comprend avec quelle énergie il acceptait le combat et avec quelle âpreté il s’efforçait de triompher.

Blanche n’existait pas pour lui. Sur un simple regard, sur un éclat de voix, elle frissonnait, elle consentait à tout. Mais il tremblait à la pensée de l’enfant qu’elle portait en elle. Cette petite créature qui n’avait pas encore vu le jour faisait pâlir le tout puissant Cazalis. Il se surprenait à désirer que cet enfant ne naquît pas vivant. Il ne l’aurait pas tué, par orgueil de race, mais il priait Dieu de faire cette besogne. Ce pauvre être grandirait, et, un jour, poussé par les Cayol, il pourrait réclamer les biens de sa mère. Une telle pensée mettait des sueurs froides au front du député. Les Cayol, là était sa grande épouvante. Si jamais les Cayol s’emparaient de l’enfant, ils l’élèveraient pour en faire leur vengeance. Alors il s’imaginait tous les malheurs qui l’accableraient : il lui faudrait rendre gorge, donner toute une fortune à ces gens qu’il aurait voulu écraser ; et lui, mendierait peut-être le long des routes.

Telles étaient les craintes qui l’avaient poussé à enfermer Blanche dans la petite maison de la côte. Il voulait l’isoler des Cayol, empêcher ceux-ci de s’entendre avec elle et de voler l’enfant, le lendemain des couches.