Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/299

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« Que voulez-vous ? » demanda-t-elle à M. de Cazalis d’une voix basse et étouffée.

Le député recula.

« La nourrice est arrivée, répondit-il en hésitant. Vous savez ce dont nous sommes convenus. Il faut lui remettre votre enfant. » Quelques jours avant les couches, il lui avait signifié que l’honneur de la famille demandait l’éloignement du fils de Philippe, dès sa naissance. Elle avait plié comme toujours, devant les paroles brèves et violentes de son oncle. Mais elle espérait qu’elle pourrait garder le nouveau-né au moins pendant vingt-quatre heures, et c’était sur cette espérance qu’elle basait un plan de salut.

Quand elle entendit M. de Cazalis exiger la remise immédiate de l’enfant, elle pensa que tout était perdu. Si on l’emportait sur-le-champ, son plan échouait, elle n’avait pas le temps de le soustraire aux dangers que devinaient ses angoisses de mère.

Elle devint plus pâle encore, elle le serra contre sa poitrine.

« Oh ! par grâce ! cria-t-elle, laissez-le-moi jusqu’à demain matin. »

Elle se sentait faible, elle avait peur d’être lâche et d’obéir.

Le député reprit d’une voix dont il tâchait de contenir les éclats pour ne pas être entendu de la sage-femme :

« Vous me demandez une chose impossible. Votre fils doit disparaître pendant quelque temps, si vous ne voulez pas nous couvrir de honte.

– Je vous le remettrai demain matin, dit Blanche, qui frissonnait. Soyez bon, permettez que je puisse le regarder et l’aimer jusque-là. Cela ne saurait vous faire du tort, personne ne le verra cette nuit, dans cette chambre.

– Eh ! il vaut mieux en finir tout de suite. Embrassez-le et remettez-le à la nourrice.

– Non, je le garde... Vous me tuez, monsieur. » Elle prononça ces derniers mots d’un accent déchirant.