Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/318

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deux par les rues bruyantes, et ils gagnaient le bord de la mer, du côté d’Endoume. Ils avaient trouvé là un coin de rochers, où ils s’asseyaient, seuls, en face de l’immensité bleue la nuit tombait, ils regardaient avec émotion la grande mer qui les avait fiancés autrefois, à Saint-Henri. C’était ainsi qu’ils venaient la remercier et chercher dans ses voix profondes le chant qui convenait à leurs amours. Quand ils s’en retournaient, ils s’aimaient davantage, ils goûtaient des nuits plus heureuses.

Une fois par semaine, le dimanche, ils passaient la journée à la campagne. Ils partaient dès le matin pour Saint-Barnabé, et ne rentraient que le soir. La visite qu’ils rendaient au fils de Blanche et de Philippe était pour eux une sorte de pèlerinage. Puis, ils se trouvaient à leur aise chez le jardinier Ayasse, sous les mûriers de la porte. La chaude campagne les emplissait d’une gaieté vive, ils avaient de féroces appétits, ils redevenaient turbulents et jeunes. Tandis que lui causait avec le méger, elle jouait à terre avec l’enfant. Et c’étaient des éclats de rire, des puérilités adorables. Selon le désir de Blanche, tous deux avaient servi de parrain et de marraine à son fils et lui avaient donné le nom de Joseph. Lorsque Joseph appelait la jeune femme : « Maman, elle soupirait, elle regardait son mari, comme pour l’accuser de ne pas lui donner un petit ange blond, pareil à son filleul ; puis, elle serrait ce dernier dans ses bras, elle l’aimait comme si elle eût été sa mère.

Joseph grandissait, charmant et délicat, ainsi qu’un enfant de l’amour. Il marchait déjà seul et bégayait quelques mots dans ce bavardage délicieux du premier âge. Marius et Fine se contentaient de l’adorer. Plus tard, ils songeraient à faire de lui un homme et à lui assurer la position à laquelle il avait droit.

Mais le jeune ménage ne s’oubliait pas dans ses joies, au point de ne plus songer au fugitif, à ce pauvre Philippe qui vivait seul et désolé en Italie. Son frère s’occupait activement de lui obtenir sa grâce, pour qu’il pût rentrer à Marseille et recommencer une nouvelle