Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/32

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au fond de son cœur, se promettant bien de se venger un jour. Alors eurent lieu des tripotages sans nom ; le clergé se mit en campagne, les votes furent arrachés à droite et à gauche, grâce à mille révérences et mille promesses. M. de Cazalis fut élu.

Et voilà qu’aujourd’hui Philippe Cayol, un des chefs du parti libéral, tombait entre ses mains. Il allait enfin pouvoir assouvir sa haine sur un de ces manants qui lui avaient marchandé son élection. Celui-là payerait pour tous ; sa famille serait ruinée et désespérée ; et lui, on le jetterait dans une prison, on le précipiterait du haut de son rêve d’amour sur la paille d’un cachot.

Eh quoi ! un petit bourgeois avait osé se faire aimer par la nièce d’un Cazalis. Il l’avait emmenée avec lui, et, maintenant, ils couraient tous deux les chemins, faisant l’école buissonnière l’amour. C’était un scandale qu’on devait étaler. Un homme de rien aurait peut-être préféré étouffer l’affaire, cacher le plus paisible la déplorable aventure ; mais un Cazalis, un député, un millionnaire, avait assez d’influence et d’orgueil pour crier tout haut et sans rougir la honte des siens.

Qu’importait l’honneur d’une jeune fille ! Tout le monde pouvait savoir que Blanche de Cazalis avait été la maîtresse de Philippe Cayol, mais personne au moins ne pourrait dire qu’elle était sa femme, qu’elle s’était mésalliée en épousant un pauvre diable sans titre. L’orgueil voulait que l’enfant restât déshonorée et que son déshonneur fût affiché sur les murs de Marseille.

M de Cazalis fit coller dans les carrefours de la ville des placards, par lesquels il promettait une récompense de dix mille francs à celui qui lui amènerait sa nièce et le séducteur, pieds et poings liés. Lorsqu’on perd un chien de race, on le réclame ainsi par la voie des affiches.

Dans les hautes classes, le scandale s’étendait avec plus de violence encore. M. de Cazalis promenait partout sa fureur. Il mettait en œuvre toutes les influences de