Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/322

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qu’on ne pût jamais lui crier qu’il était un voleur.

Quand il fut parvenu à se faire oublier, quand il se fut cloîtré dans son hôtel, en simple bourgeois, amoureux de l’ombre et du silence, il dressa ses batteries. Il se trouvait au centre de l’intrigue qu’il voulait conduire, et il espérait avoir endormi la méfiance de ses adversaires par ses airs nonchalants. Au fond, son plus âpre désir était de retrouver l’enfant de sa nièce et de s’en emparer. Alors seulement, il pourrait disposer de la fortune qui dormait entre ses mains. Mais, par un effort d’hypocrisie, il sut se contraindre pendant près de trois ans ; il demeura paisible, sans paraître faire la moindre démarche pour savoir où l’on avait caché son petit-neveu. Et, en réalité, il ne hasarda pas une seule tentative, il resta fidèle à son plan de feinte insouciance.

Cette comédie eut pour résultat de tranquilliser Marius. Le jeune homme avait cru, le lendemain de l’enlèvement, que M. de Cazalis allait s’emporter, fouiller Marseille, chercher partout. Il fut d’abord très surpris de l’attitude indifférente de l’oncle de Blanche, il pensa que cette tranquillité cachait quelque piège ; puis, peu à peu, ses soupçons s’évanouirent, il s’endormit dans une confiance heureuse, il finit par ne plus songer à cet homme, qui se cachait dans l’ombre pour mieux guetter sa proie.

Si M. de Cazalis patientait et ne cherchait pas, c’était qu’il avait compris que de longtemps les Cayol ne pouvaient se servir de enfant contre lui. Il leur permettait de l’élever, comptant le voler, quand il deviendrait dangereux de le laisser entre leurs mains. Tant que Philippe ne rentrerait pas en France et tant que son fils n’aurait pas atteint un certain âge, Marius avait les bras liés, il lui était impossible de soulever un scandale quelconque qui tournerait contre son frère. À vrai dire, M. de Cazalis comptait beaucoup sur l’esprit droit et juste de Marius pour mener à bien ses propres affaires : il se disait que jamais le jeune homme n’oserait compromettre Blanche et qu’il lui abandonnerait plutôt l’héritage. En