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Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/345

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de dangers et de secousses. Aussi se jeta-t-il avec joie dans les périls que promettait une révolution imminente. Il avait toujours été un homme d’action, un démocrate ultra. Aigri par la souffrance, ayant à se venger de la noblesse, il accepta l’espérance d’une insurrection avec une âpreté joyeuse. Et il reprit ses allures brusques, il se fit chef de parti, poussa sourdement les ouvriers à la révolte, prépara la population pauvre aux barricades qu’il rêvait.

Le vendredi 25 février, un coup de foudre éclata sur Marseille. On apprit la déchéance de Louis-Philippe et la proclamation de la république à Paris.

La nouvelle d’une révolution consterna la ville. Ce peuple de négociants, conservateurs d’instinct, n’ayant souci que des intérêts matériels, était tout dévoué à la dynastie des d’Orléans, qui, pendant dix-huit années, avait favorisé le large développement du commerce et de l’industrie. L’opinion dominante à Marseille était que le meilleur gouvernement est celui qui laisse aux spéculateurs le plus de liberté d’action. Aussi les habitants furent-ils épouvantés à l’annonce d’une crise qui allait forcément arrêter les affaires et amener des faillites nombreuses, en supprimant les crédits sur lesquels vivaient la plupart des maisons de commerce.

Marseille n’accueillit donc la république que comme un déplorable sinistre commercial. Elle se sentit frappée au cœur, dans sa prospérité par le mouvement insurrectionnel de Paris. La majorité se désespéra à la pensée de perdre les pièces de cent sous amassées, et il y eut à peine quelques hommes que le mot de liberté fit tressaillir et tira du sommeil épais de l’argent.

Philippe s’abusait en croyant pouvoir semer et développer parmi ses concitoyens les idées républicaines. Il s’employait avec toutes les fougues de sa nature, il rêvait tout éveillé et travaillait violemment à réaliser ses rêves. S’il avait mieux étudié le milieu où il se trouvait, s’il avait eu le sang-froid nécessaire pour juger les hommes et les choses, il aurait renoncé à lever