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Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/350

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Mathéus écouta son maître en hochant la tête. Ce plan de fuite ne faisait pas du tout son affaire. Il avait besoin, pour achever sa fortune, que M. de Cazalis restât à Marseille, afin de spéculer sur sa peur et de lui soutirer le plus d’argent possible. Il sentait bien que celui-ci avait raison de vouloir fuir : là était le salut. Mais le salut de M. de Cazalis lui importait fort peu ; il se souciait médiocrement de le compromettre, du moment où il avait intérêt à le lancer dans une lutte dont l’issue était douteuse. Ce qu’il voulait avant tout, c’était ne pas perdre ses appointements d’espion. Il plaida chaleureusement contre la fuite, et il fut assez heureux pour trouver quelques bonnes raisons.

« Pourquoi fuir ? dit-il. Vous ne voulez donc plus vous venger ? Puis, rien n’est désespéré. Vos ennemis tremblent devant vous, et ils n’oseront jamais vous attaquer en face. Mille choses les forcent au silence. Allez, vous avez grand tort de vous effrayer. Moi, à votre place, je resterais, je voudrais vaincre, je reprendrais carrément l’offensive. Ces imbéciles commettront bien quelque faute. Nous profiterons de tout, il arrivera un moment où nous les tiendrons de nouveau entre nos griffes... Vous m’avez accusé d’être un maladroit, parce que je n’ai pas réussi à vous apporter le petit. Je ne suis pas un maladroit, et j’ai une revanche à prendre. Foi d’honnête homme, vous aurez l’enfant... Que diable ! à nous deux, nous sommes capables de faire réussir tout ce que nous entreprendrons. »

Il parla longtemps, il fit habilement appel à l’orgueil, au besoin de vengeance de son maître, et il finit par le décider à rester et à continuer la lutte. Alors eut lieu entre eux une longue conférence.

Avant de rien mettre en œuvre, M. de Cazalis voulut que Mathéus tentât une démarche auprès de Blanche. Celui-ci devait essayer de lui faire signer divers papiers qui dépouillaient son fils d’une grande partie de son héritage. Il partit, bien décidé à ne rien faire signer du tout : cela simplifiait trop les affaires et rendait ses services