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Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/354

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un héros, un fils sublime de la République ! Dans dix ans, les peuples vainqueurs des rois lui dresseront des autels. J’ai été si enthousiasmé par ses discours que j’ai subitement senti en moi l’étoffe d’un républicain. »

Il se leva, et, avec une majesté bouffonne :

« Citoyens, continua-t-il, vous voyez en moi un républicain. Regardez-moi, voyez comment un républicain est fait. Nous ne sommes que quelques centaines dans Marseille, mais nous suffirons pour opérer le salut de l’humanité. Quant à moi, je suis plein de zèle... »

À son tour, il se promenait de long en large.

« Voici ce que j’ai déjà accompli en faveur de la République, continua-t-il. J’ai pris M. Philippe Cayol pour modèle, et, afin de bien me pénétrer de son esprit, je l’ai suivi pas à pas. Nous avons été membres tous les deux d’une société secrète ; puis, je me suis fait recevoir du club des Travailleurs en même temps que lui. Là, toutes les fois qu’il parle, je l’applaudis, je le grise d’enthousiasme. C’est ma manière à moi, chétif, de servir la patrie. Je suis certain que M. Philippe Cayol, encouragé par moi, fera de grandes choses.

– Je comprends, je comprends », murmura M. de Cazalis.

Mathéus déclamait toujours.

« Nous élèverons des barricades, c’est moi qui le veux, parce que des barricades sont nécessaires à la gloire de M. Philippe Cayol. Le peuple a assez travaillé, n’est-ce pas ? Il faut que les aristocrates travaillent à leur tour... Quelques coups de fusils mettront bon ordre à cela... M. Philippe Cayol marchera à la tête de ses amis, les ouvriers : il les conduira à la fortune, à moins qu’un gendarme ne le prenne au collet et ne le conduise devant une cour d’assises qui aurait à coup sûr le mauvais goût de le condamner à la déportation. »

L’ancien député ne se tenait pas de joie. Les grimaces de Mathéus l’amusaient maintenant. Il lui serrait les mains, il lui répétait avec effusion :

« Merci, merci, je te payerai, tu seras riche. »