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Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/355

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Mathéus garda pendant un instant une attitude triomphante. Puis, il partit d’un éclat de rire.

« Eh ! allez donc, s’écria-t-il, la farce est jouée. »

Il y avait en lui des allures de saltimbanque. Il était heureux de la mise en scène qu’il venait de donner aux nouvelles qu’il apportait. Le maître et le valet s’assirent et causèrent à voix plus basse.

« Vous m’avez compris, dit ce dernier. Nous tenons le sieur Philippe, qui se conduit en enfant. Fiez-vous à moi. Je l’amènerai à commettre quelque extravagance, qu’on lui fera payer cher.

– Mais si tu le suis pas à pas, il doit te reconnaître.

– Eh ! non, il ne m’a vu qu’une fois, la nuit, à Saint-Barnabé. D’ailleurs, j’ai fait l’emplette d’une perruque d’un blond ardent qui me donne une excellente allure révolutionnaire... Ah ! quels niais que ces démocrates, mon cher patron ! Ils parlent de justice, de devoir, d’égalité, ils ont des airs honnêtes qui m’irritent. Je parie qu’ils me massacreraient, s’ils savaient que je travaille pour vous. Jamais vous ne me payerez assez le sacrifice que je fais en consentant à passer pour un des leurs.

– Et si le parti libéral l’emportait ? » demanda M. de Cazalis, qui était devenu rêveur.

Mathéus regarda son maître avec stupéfaction.

« Comment dites-vous ? fit-il en raillant. Alors, vous croyez qu’on aime la République autant que cela, à Marseille ? Quoi qu’il arrive, entendez-vous, les libéraux seront rossés, dans cette bonne ville. N’ayez aucune inquiétude. Si le Cayol peut être pris dans quelque échauffourée, son affaire est réglée. Je ne donne pas quinze jours pour que nos négociants aient assez de la liberté et pour qu’ils désirent étrangler tous ceux qui la servent. »

L’ancien député se rappela les manœuvres qui avaient amené autrefois son élection et ne put réprimer un sourire. Son acolyte avait raison : où l’argent règne, les idées républicaines ne poussent guère.

« Je n’ai pas besoin, continua Mathéus, de vous