Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/358

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humains. Ce fut une rude chute pour lui, qui l’exaspéra et le poussa aux résolutions extrêmes.

Il avait cru naïvement que la proclamation de la République serait suivie d’un large mouvement qui entraînerait toute la ville dans une voie libérale. Il fut douloureusement étonné lorsqu’il vit que l’autorité supérieure, poussée sans doute par la fatalité des circonstances, était obligée de compter avec la réaction. Les conservateurs, les légitimistes eux-mêmes restèrent, en quelque sorte, les maîtres de Marseille. Ils eurent, dans les postes officiels des créatures à eux, ils dirigèrent secrètement les affaires publiques. En un mot, la ville toléra le nouveau gouvernement plutôt qu’elle ne l’accepta.

Quand les républicains comprirent que la victoire ne leur resterait pas chez eux, ils voulurent au moins envoyer à Paris des représentants fermement résolus à défendre les intérêts du peuple. Les élections prochaines absorbèrent toutes leurs forces d’action. Ils sentaient combien une victoire leur serait précieuse, ils souhaitaient ardemment que les représentants ne fussent pris que dans leurs rangs.

Ces élections devaient avoir lieu le 23 avril. Pendant les trois semaines qui précédèrent cette date, Philippe se mêla activement aux travaux et aux menées des différents clubs. La démocratie avait subi un premier échec, lors de la nomination d’une commission municipale, dans laquelle, malgré le désir hautement avoué des républicains, étaient entrés des hommes hostiles à la République. Aussi les clubs, pour ne pas être battus une seconde fois, déployaient-ils une grande activité et une grande énergie. Ils dressaient des listes préparatoires, ils catéchisaient le peuple, ils cherchaient désespérément, et par tous les moyens, à faire triompher leur cause.

Pendant ces trois semaines fiévreuses, Philippe put encore s’aveugler. Il oublia quel était le véritable esprit de la ville, il ne vit plus la formidable réaction qui entourait