Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/381

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crier vengeance plus fort que les autres. Il réunit ainsi autour de lui un groupe des plus exaltés. Ce groupe descendit la rue Saint-Ferréol en chantant La Marseillaise, et finit par s’arrêter un instant au coin de la rue Pizançon, pour écouter Mathéus qui réclamait le silence de la main.

« Mes amis, dit ce dernier, c’est bête de chanter, il faut agir... Si nous parcourons ainsi les rues, nous allons rencontrer des soldats qui nous tueront ou qui nous feront prisonniers. »

Un cri de colère s’éleva du groupe.

« Vengeons nos frères, reprit Mathéus. Le sang demande du sang.

– Oui, oui ! hurlèrent les ouvriers. Aux barricades ! Aux barricades ! »

À ce moment, Mathéus, en regardant vers le haut de la rue, aperçut une compagnie de la garde nationale qui approchait pesamment.

« Voyez, frères, reprit-il, on envoie ces hommes pour nous massacrer... Nous nous défendrons jusqu’à la mort ! »

Le peuple était ivre, il montra le poing aux gardes nationaux, il chercha des pierres pour les lapider.

« Non, pas ici, nous ne pourrions tenir cinq minutes, dit Mathéus. Venez. »

Les ouvriers le suivirent. Ils avaient besoin d’un chef, ils choisissaient cet homme qui parlait de massacre. Ils coururent jusqu’à la rue de Rome. Justement, trois grandes charrettes vides passaient en ce moment dans cette rue. L’espion sauta à la bride du premier cheval, et, malgré les cris du charretier, il ordonna à ses hommes de dételer. Puis, quand l’opération fut faite, il dit au roulier :

« Emmène tes chevaux... Le peuple a besoin des charrettes. Il te paiera, s’il est vainqueur. »

Se tournant ensuite vers les ouvriers et leur montrant la rue de la Palud qui était en face d’eux, il ajouta :

« Vite, roulez ces voitures et renversez-les sur le