Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/380

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« Eh bien, soit ! ne parlons pas de nous, s’écria-t-il. Ne vois-tu pas que l’insurrection qui se prépare ne peut réussir ? Le désir d’un bon patriote doit être d’éviter l’effusion du sang, lorsque la lutte est contraire aux intérêts de tous. Je crois mieux servir la patrie que toi, en prêchant la paix.

– On a tenté d’assassiner nos frères, répondit Philippe d’une voix sourde, il nous faut une vengeance. Ce n’est pas nous qui avons commencé. Tiens, veux-tu que je te le dise ? Nous ne voulons plus de la République des bourgeois ; nous voulons une République à nous, une République du peuple... Ne réponds rien, c’est inutile. Si le peuple se bat, je me battrai.

– Mais, malheureux ! tu te perds, tu perds tes amis eux-mêmes en les encourageant par ta présence, en les menant à une prison certaine... Rappelle-toi ce que t’a dit M. Martelly. »

Pendant plus d’un quart d’heure, Marius insista ainsi auprès de son frère, qui l’écoutait à peine, le front sombre, les yeux ardents. Brusquement Philippe lui prit le bras et le força au silence. Des bruits secs de fusillade se faisaient entendre vers le bas de la rue Saint-Ferréol.

« Entends-tu ? lui dit-il avec exaltation, on tire sur des hommes désarmés qui demandent justice ! Et tu veux que j’assiste paisiblement à cela, tu veux que je sois un lâche ! »

Il fit quelques pas ; puis, se retournant :

« Si je suis tué, reprit-il avec plus de douceur, tu veilleras sur Joseph... Adieu ! »

Marius courut le rejoindre.

« Je vais avec toi », lui dit-il tranquillement.

Les deux jeunes gens descendirent en toute hâte la rue Saint-Ferréol. Arrivés à la rue Vacon, ils entendirent la fusillade à leur droite, ils gagnèrent rapidement la rue de Rome. Là, ils tombèrent en pleine bataille.

Mathéus, en se mêlant aux ouvriers, s’était mis à