Aller au contenu

Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/388

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

uniquement emporter par la colère. La lutte était devenue personnelle, sans aucune arrière-pensée d’insurrection politique. Si quelques meneurs intéressés n’avaient pas poussé le peuple à la violence, il est à croire que tout se serait terminé par des cris et des menaces.

La place Royale, que l’on nommait depuis février place de la Révolution, devint le centre du mouvement. Quelques compagnies républicaines avaient là leur place d’armes. Dès que la nouvelle du combat qui venait d’avoir lieu à la barricade de la rue de la Palud se fut répandue dans les groupes stationnant sur le Cours et sur la Cannebière, les ouvriers se dirigèrent en foule vers ces compagnies républicaines et leur demandèrent si elles allaient également marcher contre eux. Le rassemblement fut bientôt considérable : on y racontait avec des cris furieux les événements de la matinée, on y nommait les citoyens tués ou blessés par la troupe et la garde nationale. Ces récits excitaient les esprits, le tumulte allait grandissant. La foule, d’ailleurs, ne bougeait pas, se contentait de crier et de demander vengeance. Il fallait une nouvelle secousse pour la jeter dans une révolte ouverte.

À ce moment, le général qui commandait la garde nationale tenta une démarche suprême. Il vint, en pleine foule, tâcher d’apaiser les esprits par des paroles de conciliation.

Ce général n’était point populaire. On l’accusait, à tort ou à raison, d’être hostile à la République. Il s’était malheureusement entouré d’un état-major choisi dans les rangs de la réaction. Pour la foule, il n’était qu’un inconnu, et le peuple, aveuglé par la colère le rendit responsable des événements déplorables qui se passaient. Personne n’avait remarqué son geste de désespoir, dans la rue Saint-Ferréol, lorsque, sans son ordre, les soldats avaient croisé la baïonnette. Dès qu’il parut, il fut entouré par des groupes exaspérés qui l’injurièrent et l’accusèrent de tous les malheurs de la matinée. Son attitude resta calme, il ne chercha pas à se défendre,