Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/391

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« Ce sont des carlistes, cria-t-il. À bas la garde nationale ! »

Ce cri trouva un écho retentissant dans la foule. Toutes les têtes se tournèrent vers le café, toutes les bouches se mirent à huer et à menacer ceux qui s’y étaient réfugiés.

« Je les reconnais, hurlait Mathéus, ils appartiennent à la compagnie qui a tiré sur nous, rue de la Palud. »

Cette assertion était fausse, mais elle ne pouvait être démentie dans un pareil moment. Les cris redoublèrent, les plus ardents commencèrent à ramasser des pierres et à les lancer aux fenêtres où se montraient les gardes nationaux. Ceux-ci commirent l’imprudence de mettre le peuple en joue. Dès lors, la foule perdit la tête et se précipita vers le café. Mathéus se trouvait au premier rang des assaillants et criait :

« Il nous faut des fusils... Désarmons-les ! »

Philippe et Marius étaient, depuis plus d’un quart d’heure, à l’entrée de la rue de Rome. Ne pouvant avancer, ils se contentaient d’écouter et de suivre la marche de l’émeute avec une émotion poignante. Ils avaient vu passer le sinistre cortège portant l’ouvrier tué.

« Regarde », s’était écrié simplement Philippe en serrant fortement le bras de son frère.

Et il était retombé dans un silence farouche. Puis, quand les gardes nationaux avaient mis le peuple en joue, il s’était élancé sans prononcer une parole, se ruant avec la populace à l’assaut du café.

Lui et Marius, qui l’avait suivi pas à pas, entrèrent dans le café presque en même temps que Mathéus. Les salles du haut se trouvèrent envahies en quelques secondes. Les gardes nationaux eurent la prudence de n’opposer aucune résistance sérieuse. Ils furent désarmés par les premiers qui entrèrent.

Philippe s’était emparé de deux fusils. Il en offrit un à son frère. « Non, répondit celui-ci, je ne me bats pas avec des Français. »