Aller au contenu

Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/392

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Philippe fit un mouvement d’impatience et revint rapidement sur le Cours, sans même regarder si Marius le suivait. Ce dernier l’accompagna pourtant, ne pouvant se résoudre à l’abandonner, espérant toujours le sauver de cette bagarre.

Sur le Cours et sur la Cannebière, l’agitation était à son comble. Les quelques insurgés qui étaient parvenus à se procurer des fusils en désarmant les gardes nationaux, vinrent en courant se mêler aux compagnies républicaines, massées sur la chaussée. Philippe s’arrêta devant l’hôtel des Empereurs, à quelques pas de Mathéus.

Ce fut ce moment que le général choisit pour faire une nouvelle tentative de conciliation. Il reparut au milieu de la foule, prêchant la concorde. Par une fatale méprise, le peuple continuait à voir en lui le seul coupable des meurtres du matin. Comme il passait devant l’hôtel des Empereurs, des hommes sautèrent à la bride de son cheval, un groupe se forma autour de lui, en l’insultant et en le menaçant. Quelques gardes nationaux essayèrent vainement de le dégager.

Pendant ce temps, Mathéus regardait si le fusil qu’il avait pris était chargé. Ses yeux luisaient, un rire silencieux tordait ses lèvres. Il venait d’avoir encore une idée pour activer les choses.

Il se cacha derrière la foule, il ajusta le général qui se trouvait en face de lui. Le coup partit. Une clameur s’éleva. Le général essuya tranquillement de la main les quelques gouttes de sang que la balle lui avait tirées, en lui effleurant la joue.

Le coup de feu de Mathéus fut suivi de plusieurs autres, qui achevèrent de frapper la foule de panique. Les simples curieux se sauvèrent en désordre, terrifiés, s’attendant à être mitraillés dans leur fuite. Les insurgés s’éloignèrent en criant :

« Aux barricades ! Aux barricades ! »

On eût dit qu’un vent de colère balayait le rassemblement. Les lignes des gardes nationaux furent emportées,