Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/409

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Philippe courut vers un groupe d’ouvriers, qui lui étaient entièrement dévoués. Il leur parla bas pendant quelques instants, et revint trouver Marius en lui disant :

« Regarde, notre homme est pris au piège. »

Les ouvriers s’étaient dispersés ; puis, un à un, ils avaient manœuvré de façon à entourer Mathéus. Celui-ci, ne se doutant de rien, prenait des airs placides de bourgeois, lorsqu’il fut brutalement interpellé par un des ouvriers.

« Rentrez chez vous, lui dit cet homme.

– Attends, reprit un autre, le citoyen ne m’est pas inconnu.

– Eh ! cria un troisième, qu’avez-vous fait de vos cheveux rouges ?

– C’est un faux frère ! c’est un faux frère !, hurla tout le groupe.

Ce cri courut la place. Il se forma un rassemblement, au milieu duquel Mathéus était violemment secoué. Un des insurgés l’avait fouillé, et la perruque rouge, trouvée dans une de ses poches, était devenue une preuve de culpabilité, qui passait de main en main. On parlait de pendre le misérable, car chacun, en se rappelant le rôle qu’il avait joué, criait qu’il était un agent provocateur, un homme de la police, et qu’il fallait faire un exemple en l’accrochant à une lanterne.

Mathéus tremblait d’épouvante. Il ne raisonnait guère en ce moment, et il ne fut pas surpris, lorsqu’il vit Philippe lui-même venir à son secours.

« Allons, mes amis, dit ce dernier aux ouvriers irrités, ne salissez pas vos mains en tuant cet homme... Il suffira de le garder à vue. Il pourra nous être utile plus tard... Seulement, s’il tente de fuir, qu’on lui loge une balle dans le dos. »

Deux ouvriers, sur les ordres du jeune homme, s’emparèrent de Mathéus et l’enfermèrent dans une petite boutique. L’un d’eux resta à la porte, le fusil armé.

Mathéus se mit à faire d’assez tristes réflexions. Il se