Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/430

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éprouva un soulagement qui fit bientôt place à des craintes plus vives.

La fusillade avait cessé, elle se hasarda à s’approcher de la fenêtre et à jeter un coup d’œil au-dehors. Une inquiétude horrible la prenait. Elle se demandait pourquoi Marius et Philippe n’étaient pas remontés après la prise des barricades. Ils auraient dû venir en hâte se cacher auprès d’elle. S’ils n’étaient pas venus, c’est qu’ils étaient prisonniers, morts peut-être. Son esprit épouvanté n’admettait aucune autre solution. Alors, elle vit son mari et son beau-frère étendus sanglants sur les pavés ou conduits en prison par des soldats. Ces images qu’évoquait sa douleur la firent éclater en sanglots.

Et, comme Fine regardait sur la place, elle aperçut les troupes qui se précipitaient vers la maison. Elle se retira vivement. Bientôt retentirent les coups de hache. Joseph se mit à pleurer ; son effroi, jusque-là muet, éclatait en cris perçants. Il appelait son père, il se cramponnait au cou de Fine, il criait qu’il ne voulait pas que les soldats vinssent le prendre.

Les cris du pauvre enfant achevèrent de faire perdre la tête à la jeune femme. Elle se précipita dans l’escalier, voulant descendre et courir près de Marius et de Philippe. Mais elle n’était pas arrivée au second étage, qu’elle entendit la porte se fendre et tomber. Au même instant, les insurgés cachés dans le corridor remontèrent, après avoir déchargé leurs armes. Elle resta un moment hésitante ; un bruit sourd venait du vestibule, bientôt elle entendit les pas des assiégeants qui approchaient. Elle tint bon, elle serait peut-être demeurée là, si, en se penchant sur la rampe, elle n’eût aperçu l’homme qui montait le premier. Cet homme était Mathéus. Elle crut voir le fantôme de son désespoir. Comme fascinée, les yeux agrandis par l’horreur, elle remonta pas à pas, reculant devant Mathéus qui la regardait. Lorsqu’elle fut rentrée dans la chambre, avant de lui laisser le temps de s’enfermer, il s’élança sur elle et lui arracha Joseph. Elle poussa une plainte sourde :