Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/442

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mêmes, les ouvriers, les travailleurs qui compromettaient leur existence de chaque jour en abandonnant l’atelier se sentirent lâches devant le fléau, et un grand nombre d’entre eux préférèrent s’enfuir et courir le risque de la faim. Peu à peu, Marseille devint vide et morne.

Il ne resta plus que les gens de courage qui combattaient ou qui dédaignaient l’épidémie, et que les pauvres diables, forcés de demeurer à leur poste, malgré leurs frissons. S’il y eut des actes de lâcheté, de brusques fuites de médecins et de fonctionnaires, il y eut aussi des actes d’énergie et de dévouement. Dès le commencement, des bureaux de secours avaient été ouverts dans les quartiers les plus maltraités, et là des hommes se consacraient, jour et nuit, au soulagement de la population affolée, mourante de peur.

Marius fut un des premiers à vouloir s’offrir. Mais, devant les pleurs de Fine et de Joseph, il dut céder et consentir à s’éloigner de Marseille. Il connaissait sa femme, elle serait restée à ses côtés, partageant ses dangers ; l’enfant aurait alors couru les mêmes périls. La pensée que Fine et Joseph pouvaient mourir dans ses bras, avait épouvanté Marius, et il s’était sauvé, tremblant pour ses chères affections.

La famille se réfugia au quartier de Saint-Just, dans une bastide qu’elle loua, et qui était voisine de l’ancienne maison de campagne des Cayol. On était vers la fin d’août. Depuis une année, Philippe n’avait pas remis les pieds à Marseille ; il était resté à Lambesc, chez M. de Girousse, attendant que les souvenirs des journées de juin fussent effacés. D’ailleurs, il n’avait pas été inquiété. On le chercha d’abord, mais des protections puissantes furent mises en œuvre, et on abandonna les recherches.

Dès que Philippe sut que le jeune ménage se trouvait dans la banlieue de Marseille, il fit ses adieux à M. de Girousse et accourut pour embrasser son fils. Il s’ennuyait à Lambesc, il prouva à son frère qu’il pouvait, sans aucune imprudence, loger chez lui. Le choléra avait