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Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/49

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courut au Tholonet chercher des provisions. Il lui fallut une grande demi-heure. Quand il revint, il trouva la jeune fille effrayée : elle affirmait qu’elle avait vu passer des loups.

La table fut mise sur une large dalle. On eut dit un couple de bohémiens amoureux déjeunant en plein air. Après le déjeuner, ils gagnèrent le centre du plateau, qu’ils ne quittèrent pas de la journée. Ils y goûtèrent peut-être les heures les plus heureuses de leurs amours.

Mais, quand vint le crépuscule, la peur les prit, ils ne voulurent point passer une seconde nuit dans cette solitude. L’air tiède et pur de la colline leur avait donné des espérances, des pensées plus douces.

« Tu es lasse, ma pauvre enfant ? demanda Philippe.

— Oh ! oui, répondit-elle.

— Écoute, nous allons faire une dernière course. Gagnons le bastidon qu’Isnard possède au quartier des Trois-bons-Dieux, et restons là jusqu’à ce que ton oncle nous pardonne ou jusqu’à ce qu’il me fasse arrêter.

— Mon oncle pardonnera.

— Je n’ose te croire… En tout cas, je ne veux plus fuir, tu as besoin de repos. Viens, nous marcherons doucement. »

Ils traversèrent le plateau, s’éloignant des Infernets, laissant à droite le château de Saint-Marc, qu’ils voyaient sur la hauteur. Au bout d’une heure, ils étaient arrivés.

Le bastidon d’Isnard se trouvait situé sur le coteau qui s’étend à gauche de la route de Vauvenargues, lorsqu’on a dépassé le Vallon de Repentance. C’était une petite maison à un étage, en bas, il y avait une pièce, dans laquelle étaient une table boiteuse et trois chaises dépaillées. On montait par une échelle à la chambre du haut, sorte de grenier entièrement nu, où les amants trouvèrent pour tout meuble un mauvais matelas posé sur un tas de foin. Isnard avait charitablement mis un drap de lit au pied du matelas.