Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/58

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l’attentat odieux dont vous avez été la victime paraissait vous indigner moins, le jour où vous m’avez prié à mains jointes d’implorer le pardon et le consentement de votre oncle… Avez-vous songé que votre mensonge causera la perte de l’homme que vous aimez peut-être encore et qui est votre époux ? » Blanche, raidie, les lèvres serrées, regardait vaguement en face d’elle.

« Je ne sais ce que vous voulez dire, répondit-elle en balbutiant. Je ne fais pas de mensonge… J’ai cédé à la force… Cet homme m’a outragée, et mon oncle vengera l’honneur de notre famille. »

Marius s’était redressé. Une colère généreuse avait grandi sa petite taille, et sa face maigre était devenue belle de justice et de vérité. Il regarda autour de lui, il fit un geste méprisant.

« Et je suis chez les Cazalis, dit-il lentement, je suis chez les descendants de cette famille illustre dont la Provence s’honore… Je ne savais point que le mensonge habitât dans cette demeure, je ne m’attendais pas à trouver logées ici la calomnie et la lâcheté… Oh ! vous m’entendrez jusqu’au bout. Je veux jeter ma dignité de laquais à la face indigne de mes maîtres. » Puis, se tournant vers le député, désignant Blanche qui tremblait :

« Cette enfant est innocente, continua-t-il, je lui pardonne sa faiblesse… Mais vous, monsieur, vous êtes un habile homme, vous sauvegardez l’honneur des filles en faisant d’elles des menteuses et des coeurs lâches… Si maintenant vous m’offriez pour mon frère la main de Mlle Blanche de Cazalis, je refuserais, car je n’ai jamais menti, je n’ai jamais commis une méchante action, et je rougirais de m’allier à des gens tels que vous. »

M. de Cazalis plia sous l’emportement du jeune homme. Dès la première insulte, il avait appelé un grand diable de domestique qui se tenait debout sur le seuil de la porte. Comme il lui faisait signe de jeter