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Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/73

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mésaventure dont ses amis se sont hâtés d’étouffer le scandale. Fouque s’arrangeait toujours de manière à faire trouver des avaries aux chargements que les navires lui apportaient. Les sociétés d’assurances payaient, sur le rapport d’un expert. Fatiguées de payer toujours, ces sociétés chargent de l’expertise un honnête boulanger, qui reçoit bientôt la visite de Fouque. Celui-ci, tout en causant de choses indifférentes, lui glisse dans la main quelques pièces d’or. Le boulanger laisse tomber les pièces et, d’un coup de pied, les lance au milieu de l’appartement. La scène se passait devant plusieurs personnes… Fouque n’a rien perdu de son crédit.

– Delorme… Celui-là habite une ville voisine de Marseille. Il est retiré du commerce depuis longtemps. Écoutez l’infamie que son cousin Mille a commise. Il y a une trentaine d’années, la mère de Mille tenait un magasin de mercerie. Lorsque la vieille dame se retira, elle céda son fonds à un de ses commis, garçon actif et intelligent qu’elle considérait presque comme un fils. Le jeune homme, nommé Michel, acquitta vite sa dette et augmenta tellement le cercle de ses affaires qu’il se vit obligé de prendre un associé. Il choisit un garçon de Marseille, Jean Martin, qui avait quelque argent, et qui paraissait être un homme d’honneur et de travail. C’était une fortune assurée que Michel offrait à son associé. Dans les commencements, tout alla pour le mieux. Les bénéfices augmentaient chaque année, et les deux associés mettaient chacun de côté des sommes rondes au bout de l’an. Mais Jean Martin, âpre au gain et qui rêvait une fortune rapide, finit par se dire qu’il gagnerait le double, s’il était seul. La chose était difficile : Michel, en somme, était son bienfaiteur, et il avait pour ami le propriétaire de la maison, le fils de Mme Mille. Pour peu que ce dernier fût honnête, Jean Martin devait échouer dans son indigne projet. Il alla le voir, il trouva en lui le coquin qu’il cherchait. Il lui offrit de passer un nouveau bail à son nom, moyennant une forte somme d’argent ; même il doubla, il tripla la