Page:Zola - Les Trois Villes - Lourdes, 1894.djvu/100

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sur sa couverture bleue, une Notre-Dame de Lourdes, une naïve image d’une grâce raidie et gauche. Une demi-heure suffirait certainement pour le lire, sans hâte.

Et Pierre commença, de sa belle voix nette, au timbre doux et pénétrant.

— « C’était à Lourdes, petite ville des Pyrénées, le jeudi 11 février 1858. Le temps était froid et un peu couvert. On manquait de bois pour préparer le dîner, dans la maison du pauvre, mais honnête meunier François Soubirous. Sa femme, Louise, dit à sa seconde fille, Marie : « Va ramasser du bois sur le bord du Gave ou dans les communaux. » Le Gave est le nom d’un torrent qui traverse Lourdes.

« Marie avait une sœur aînée, nommée Bernadette, récemment arrivée de la campagne, où de braves villageois l’avaient employée comme bergère. C’était une enfant frêle et délicate, d’une grande innocence, mais dont toute la science consistait à savoir dire le chapelet. Louise Soubirous hésitait à l’envoyer au bois avec sa sœur, à cause du froid ; cependant, sur les instances de Marie et d’une petite voisine, nommée Jeanne Abadie, elle la laissa partir.

« Les trois compagnes, descendant le long du torrent pour recueillir des débris de bois mort, se trouvèrent en face d’une grotte, creusée dans un grand rocher que les gens du pays appelaient Massabielle… »

Mais, arrivé à ce point de la lecture, comme il tournait la page, Pierre s’arrêta, laissant retomber le petit livre. L’enfantillage du récit, les phrases toutes faites et vides l’impatientaient. Lui qui avait entre les mains le dossier complet de cette histoire extraordinaire, qui s’était passionné à en étudier les moindres détails, et qui gardait au fond du cœur une tendresse délicieuse, une infinie pitié pour Bernadette ! Il venait de se dire que l’enquête qu’il rêvait autrefois d’aller faire à Lourdes, il pourrait