Page:Zola - Les Trois Villes - Lourdes, 1894.djvu/99

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vous amuser ; mais soyez sages, ne vous excitez pas trop. Et, après Lamothe, vous entendez bien, plus un mot, plus un souffle, je veux que vous dormiez tous !

Cela les fit rire.

— Ah ! mais, c’est la règle, vous êtes sûrement trop raisonnables pour ne pas obéir.

Depuis le matin, en effet, ils avaient rempli ponctuellement le programme des exercices religieux, indiqués heure par heure. Maintenant que toutes les prières avaient été dites, les chapelets récités, les cantiques chantés, c’était la journée finie, une courte récréation avant le repos. Mais ils ne savaient que faire.

— Ma sœur, proposa Marie, si vous vouliez bien autoriser monsieur l’abbé à nous faire une lecture ? Il lit parfaitement, et j’ai justement là un petit livre, une histoire de Bernadette si jolie…

On ne la laissa pas achever, tous crièrent, avec une passion éveillée d’enfants auxquels on promet un beau conte :

— Oh ! oui, ma sœur, oh ? oui, ma sœur !

— Sans doute, dit la religieuse, je permets, du moment qu’il s’agit d’une bonne lecture.

Pierre dut consentir. Mais il voulait être sous la lampe, et il lui fallut changer de place avec M. de Guersaint, que cette annonce d’une histoire avait ravi autant que les malades. Et, quand le jeune prêtre, enfin installé, déclarant qu’il verrait assez clair, ouvrit le livre, un frémissement de curiosité courut d’un bout du wagon à l’autre, toutes les têtes s’allongèrent, recueillies, les oreilles tendues. Heureusement, il avait la voix claire, il put dominer les roues, dont le bruit n’était plus qu’un roulement assourdi, dans cette plaine immense et plate.

Mais, avant de commencer, Pierre examinait le livre. C’était un de ces petits livres de colportage, sortis des presses catholiques, répandus à profusion par toute la chrétienté. Mal imprimé, de papier humble, il portait,