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Page:Zola - Les Trois Villes - Lourdes, 1894.djvu/132

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nous aurons le temps de débarquer les malades, avant le passage de l’express.

Il reprit sa course, disparut. Berthaud appelait Gérard, qui était chef d’une équipe de brancardiers ; et tous deux, de leur côté, se hâtèrent de rejoindre leur personnel, que le baron Suire activait déjà. Les brancardiers revenaient de toutes parts, s’agitaient, commençaient à traîner les petites voitures, au travers des voies, jusqu’au quai de débarquement, un quai à découvert, en pleine obscurité. Il se fit bientôt là un entassement de coussins, de matelas, de brancards, qui attendaient ; tandis que le père Fourcade, le docteur Bonamy, les prêtres, les messieurs, l’officier de dragons, traversaient, eux aussi, pour assister à la descente des malades. Et l’on ne voyait encore, très lointaine, au fond de la campagne noire, que la lanterne de la locomotive, pareille à une étoile rouge qui grandissait. Des coups de sifflet stridents déchiraient la nuit. Ils se turent, il n’y eut plus que le halètement de la vapeur, le sourd grondement des roues, se ralentissant peu à peu. Alors, distinctement, on entendit le cantique, la complainte de Bernadette, que le train entier chantait, avec les Ave obsédants du refrain. Et ce train de souffrance et de foi, ce train gémissant et chantant, qui faisait son entrée à Lourdes, s’arrêta.

Tout de suite, les portières furent ouvertes, la cohue des pèlerins valides et des malades qui pouvaient marcher, descendit, encombra le quai. Les rares becs de gaz n’éclairaient que faiblement cette foule pauvre, aux vêtements neutres, embarrassée de paquets de toutes sortes, de paniers, de valises, de caisses de bois ; et, au milieu des coups de coude, parmi ce troupeau effaré, cherchant de quel côté tourner pour trouver la sortie, s’élevaient des exclamations, des cris de familles perdues qui s’appelaient, des embrassades de gens attendus là par des parents ou des amis. Une femme déclarait d’un air de