Page:Zola - Les Trois Villes - Lourdes, 1894.djvu/147

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marcher, assiégeait le réfectoire, une longue galerie dont les fenêtres ouvraient sur une cour intérieure ; et les sœurs Saint-Frai, les desservantes habituelles de l’Hôpital, demeurées à leur poste pour faire la cuisine, distribuaient des bols de café au lait et de chocolat à toutes ces pauvres femmes, épuisées par le terrible voyage.

— Reposez-vous, prenez des forces, répétait le baron Suire, qui se prodiguait, se montrait partout à la fois. Vous avez trois bonnes heures. Il n’est pas cinq heures et les révérends pères ont donné l’ordre de n’aller à la Grotte qu’à huit heures, pour éviter la trop grande fatigue.

En haut, au second étage, madame de Jonquière avait pris, une des premières, possession de la salle Sainte-Honorine, dont elle était la directrice. Elle avait dû laisser en bas sa fille Raymonde, qui était attachée au service du réfectoire, le règlement interdisant aux jeunes filles de pénétrer dans les salles, où elles auraient pu voir des choses malséantes et trop affreuses. Mais la petite madame Désagneaux, simple dame hospitalière, n’avait pas quitté la directrice, à qui elle demandait déjà des ordres, ravie de pouvoir se dévouer enfin.

— Madame, est-ce que tous ces lits sont bien faits ? Si je les refaisais avec sœur Hyacinthe ?

La salle, peinte en jaune clair, mal éclairée sur la cour intérieure, contenait quinze lits, alignés sur deux rangs, le long des murs.

— Tout à l’heure, nous verrons, répondit madame de Jonquière, l’air absorbé.

Elle comptait les lits, elle examinait cette salle longue et étroite. Puis, à demi-voix :

— Jamais je n’aurai assez de place. On m’a annoncé vingt-trois malades, et il va falloir mettre des matelas par terre.

Sœur Hyacinthe, qui avait suivi ces dames, après avoir laissé