Page:Zola - Les Trois Villes - Lourdes, 1894.djvu/148

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sœur Saint-François et sœur Claire des Anges s’installer dans une petite pièce voisine, transformée en lingerie, soulevait les couvertures, examinait la literie. Et elle rassura madame Désagneaux.

— Oh ! les lits sont bien faits, tout est propre. On voit que les sœurs Saint-Frai ont passé par là… Seulement, la réserve des matelas est tout à côté, et si madame veut me donner un coup de main, nous pouvons, sans attendre, en mettre une rangée, ici, entre les lits.

— Mais certainement ! cria la jeune femme, exaltée par l’idée de porter des matelas, avec ses bras frêles de jolie blonde.

Il fallut que madame de Jonquière la calmât.

— Tout à l’heure, rien ne presse. Attendons que nos malades soient là… Je n’aime pas beaucoup cette salle, qu’il est difficile d’aérer. L’année dernière, j’avais la salle Sainte-Rosalie, au premier étage… Enfin, nous allons nous organiser tout de même.

D’autres dames hospitalières arrivaient, une ruche débordante d’abeilles travailleuses, pressées de se mettre à la besogne. C’était même une cause de confusion de plus, ce trop grand nombre d’infirmières, venues du grand monde et de la bourgeoisie, avec une ferveur de zèle où il se mêlait un peu de vanité. Elles étaient plus de deux cents. Comme chacune, à son entrée dans l’Hospitalité de Notre-Dame de Salut, devait faire un don, on n’osait en refuser aucune, de crainte de tarir les aumônes ; et leur nombre croissait d’année en année. Heureusement, il y en avait, parmi elles, à qui il suffisait de porter au corsage la croix de drap rouge, et qui, dès leur arrivée à Lourdes, partaient en excursions. Mais celles qui se dévouaient étaient vraiment méritoires, car elles passaient cinq jours d’abominable fatigue, dormant à peine deux heures par nuit, vivant au milieu des spectacles les plus terribles et les plus répugnants. Elles assistaient aux