Page:Zola - Les Trois Villes - Lourdes, 1894.djvu/181

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— Monsieur l’abbé, vous allez m’aider, n’est-ce pas ? demanda l’hospitalier qui déshabillait M. Sabathier.

Tout de suite, Pierre s’empressa ; et, en le regardant, il reconnut, dans cet infirmier aux fonctions si humbles, le marquis de Salmon-Roquebert, que M. de Guersaint lui avait montré, en descendant de la gare. C’était un homme d’une quarantaine d’années, au grand nez chevaleresque, dans une figure longue. Dernier représentant d’une des plus anciennes et des plus illustres familles de France, il avait une fortune considérable, un hôtel royal à Paris, rue de Lille, des terres immenses, en Normandie. Chaque année, il venait ainsi à Lourdes, pendant les trois jours du pèlerinage national, par charité, sans aucun zèle religieux, car il pratiquait uniquement en homme de bonne compagnie. Et il s’entêtait à ne rien être, il voulait rester simple hospitalier, baignant cette année-là les malades, les bras cassés de fatigue, les mains occupées du matin au soir à remuer des loques, à ôter et à remettre des pansements.

— Faites attention, recommanda-t-il, enlevez les bas sans vous presser. Tout à l’heure, pour ce pauvre homme qu’on rhabille là, la chair est venue.

Et, comme il quittait un instant M. Sabathier, afin d’aller rechausser le malheureux, il sentit, sous ses doigts, que le soulier gauche était mouillé à l’intérieur. Il regarda : du pus avait coulé, emplissant le bout du soulier ; et il dut aller le vider dehors, avant de le remettre au pied du malade, avec d’infinies précautions, en évitant de toucher à la jambe, que dévorait un ulcère.

— Maintenant, dit-il à Pierre, en revenant à M. Sabathier, tirez avec moi sur le caleçon, pour que nous l’ayons d’un coup.

Il n’y avait, dans la petite salle, que les malades et les hospitaliers chargés du service. Un aumônier aussi était présent, récitant des Pater et des Ave, car les prières ne devaient