Page:Zola - Les Trois Villes - Lourdes, 1894.djvu/182

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pas cesser une minute. D’ailleurs, un simple rideau volant fermait la porte, sur le large espace, que les cordes protégeaient ; et les supplications de la foule arrivaient en une clameur continue, tandis qu’on entendait la voix perçante du capucin répéter sans relâche : « Seigneur, guérissez nos malades !… Seigneur, guérissez nos malades !… » Des fenêtres hautes laissaient tomber une froide lumière, et il régnait là une continuelle humidité, une odeur fade de cave trempée d’eau.

Enfin, M. Sabathier était nu. On ne lui avait noué, sur le ventre, qu’un tablier étroit, pour la décence.

— Je vous en prie, dit-il, ne me descendez dans l’eau que peu à peu.

L’eau froide le terrifiait. Il racontait encore que, la première fois, il avait éprouvé un saisissement si atroce, qu’il s’était juré de ne recommencer jamais. À l’entendre, il n’y avait pas de pire torture. Puis, l’eau, comme il le disait, n’était guère engageante ; car, de crainte que le débit de la source ne pût suffire, les pères de la Grotte ne faisaient alors changer l’eau des baignoires que deux fois par jour ; et, comme il passait dans la même eau près de cent malades, on s’imagine quel terrible bouillon cela finissait par être. Il s’y rencontrait de tout, des filets de sang, des débris de peau, des croûtes, des morceaux de charpie et de bandage, un affreux consommé de tous les maux, de toutes les plaies, de toutes les pourritures. Il semblait que ce fût une véritable culture des germes empoisonneurs, une essence des contagions les plus redoutables, et le miracle devait être que l’on ressortît vivant de cette boue humaine.

— Doucement, doucement, répétait M. Sabathier à Pierre et au marquis, qui l’avaient saisi par-dessous les cuisses, pour le porter à la baignoire.

Et il regardait l’eau avec une terreur d’enfant, cette eau épaisse et d’aspect livide, sur laquelle des plaques