Page:Zola - Les Trois Villes - Lourdes, 1894.djvu/25

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— Ah ! le voilà qui respire ! Demandez-lui son nom.

Mais, questionné de nouveau par Marthe, l’homme exhala seulement une plainte, ce cri à peine balbutié :

— Oh ! je souffre !

Et, dès lors, il n’eut que cette réponse. À tout ce qu’on voulait savoir, qui il était, d’où il venait, quelle était sa maladie, quels soins on pouvait lui donner, il ne répondait pas, il jetait ce continuel gémissement :

— Oh ! je souffre !… Oh ! je souffre !

Sœur Hyacinthe s’agitait d’impatience. Si elle s’était au moins trouvée dans le même compartiment ! Et elle se promettait de changer de place. Seulement, il n’y avait pas d’arrêt avant Poitiers. Cela devenait terrible, d’autant plus que la tête de l’homme se renversa de nouveau.

— Il passe, il passe, répéta la voix.

Mon Dieu ! qu’allait-on faire ? La sœur savait qu’un père de l’Assomption, le père Massias, était dans le train, avec les Saintes Huiles, tout prêt à administrer les mourants ; car on perdait chaque année du monde en route. Mais elle n’osait faire jouer le signal d’alarme. Il y avait aussi le fourgon de la cantine, desservi par la sœur Saint-François, et dans lequel était un médecin, avec une petite pharmacie. Si le malade allait jusqu’à Poitiers, où l’on devait s’arrêter une demi-heure, tous les soins possibles lui seraient donnés. L’atroce était qu’il mourût avant Poitiers. On se calma pourtant. L’homme respirait d’une façon plus régulière, et il semblait dormir.

— Mourir avant d’y être, murmura Marie frissonnante, mourir devant la terre promise…

Et, comme son père la rassurait :

— Je souffre, je souffre tant, moi aussi !

— Ayez confiance, dit Pierre, la sainte Vierge veille sur vous.

Elle ne pouvait plus rester sur son séant, il fallut qu’on la recouchât, dans son étroit cercueil. Son père et le