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Page:Zola - Les Trois Villes - Lourdes, 1894.djvu/252

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Et jamais un mot, toujours un sourire content. Elle a payé sa note sans même la regarder… Ah ! des voyageuses pareilles, ça se regrette.

Elle s’était levée, petite, maigre, très brune, toute vêtue de noir, avec un mince col plat. Et elle fit ses offres.

— Si ces messieurs désirent emporter quelques petits souvenirs de Lourdes, il ne faut pas qu’ils nous oublient. Nous avons à côté un magasin, où ils trouveront un grand choix des objets les plus demandés… Les personnes qui descendent à l’hôtel, veulent bien, d’habitude, ne pas s’adresser autre part que chez nous.

Mais Majesté, de nouveau, hochait la tête, de son air de bon catholique attristé par les scandales du temps.

— Certes, je ne voudrais pas manquer de respect aux révérends pères, et pourtant, il faut bien le dire, ils sont trop gourmands… Vous avez vu la boutique qu’ils ont installée près de la Grotte, cette boutique toujours pleine, où l’on vend des articles de piété et des cierges. Beaucoup de prêtres déclarent que c’est une honte et qu’il faut de nouveau chasser les vendeurs du temple… À ce qu’on raconte aussi, les pères commanditent le grand magasin qui est en face de chez nous, dans la rue, et qui approvisionne les petits détaillants de la ville. Enfin, si l’on écoutait les bruits, ils auraient la main dans tout le commerce des objets religieux, ils prélèveraient un tant pour cent sur les millions de chapelets, de statuettes et de médailles, qui se débitent par an à Lourdes…

Il avait baissé la voix, car ses accusations se précisaient, et il finissait par trembler de se confier ainsi à des étrangers. La douce figure attentive de Pierre le rassurait pourtant ; et il continua, dans sa passion de concurrent blessé, décidé à aller jusqu’au bout.

— Je veux bien qu’il y ait de l’exagération en tout ceci. Il n’en est pas moins vrai que c’est un grand dommage